Recherche archéologique en Haute-Saône (1)

Publié le par mairie d'Echenoz la Méline

LA RECHERCHE ARCHÉOLOGIQUE EN HAUTE-SAÔNE:
LES PRÉCURSEURS1 

André THÉVENIN

1 Le présent article a paru en 2006, sous un titre différent, dans l'ouvrage suivant: Artisanats, sociétés et civilisations. Hommage à Jean-Paul Thevenot, 24e supplément de la Revue archéologique de l'Est. Tous nos remerciements à la direction de la revue de nous avoir permis de reprendre ce texte en le modifiant quelque peu.


"Un éclat de silex taillé est pour l'antiquaire une preuve aussi certaine de la présence de l'homme que l'étaient pour Robinson les traces de pas empreintes sur le sable", sir John Lubbock lord Avebury, cité par Achille Bouillerot, 1875.

En Haute-Saône, la recherche archéologique, dans le sens de préhistorique qu'elle prendra par la suite, a peut-être montré au départ, dans le cours du XIXe s., un cheminement un petit peu plus lent que dans le reste de la France, mais les échos des découvertes et des controverses arriveront jusqu'au plus profond des cam­pagnes de la Haute-Saône, comme on le ~erra par la suite. Mais avant d'aborder cette période, il serait bon de jeter un coup d'œil sur le siècle précédent et de s'enquérir sur l'état d'esprit des érudits du moment et de leurs connaissances et convictions sur les Gaulois et sur les peuples qui les ont précédés, quand ils pressentaient qu'ils avaient existé.


AVANT LE XIXe S. AVEC LES ÉRUDITS


Les érudits locaux, et ils sont nombreux, en principe des ecclésiastiques, n'ont pas manqué de "disserter" sur les Antiquités de la province et principalement sur l'ancienneté des villes, ou plus exactement de leur ville ou de leur abbaye; ce fut principalement le cas pour Luxeuil, Lure, voire pour Vesoul, mais tous arrêtaient leurs investigations avec l'époque romaine (PETITJEAN, 2002). Rares furent ceux qui "discourront" sur les curiosités naturelles ou sur les monuments antérieurs à la conquête.


Un religieux récollet fait exception; il s'agit de Jean-Baptiste Maréchal, d'Amance, qui en 1750 visite avec d'autres personnes, la grotte de la Baume, à Échenoz-Ia­Méline, près de Vesoul, et en fait la description. On ne sera pas surpris de l'intérêt de cet ecclésiastique, d'ailleurs très porté sur les sciences, l'astronomie, l'archi­tecture et la littérature, pour cette curiosité naturelle, puisque sa mère était Françoise Deroche, sœur de Pierre François Deroche, curé de la paroisse de Pont, dont faisait partie Échenoz-la-Méline (THÉVENIN, 1999 ; 2002a).


La description de la grotte et de ses curiosités est très intéressante et permet de se rendre compte des connaissances de l'époque, mais l'intérêt du texte est double, car il mentionne l'utilisation de la grotte de la Baume comme refuge en 1595 par les habitants d'Échenoz, lors du siège de Vesoul, par l'aventurier lorrain, Louis de Beauveau-Tremblecourt.

Le texte, dont on a donné en annexe la partie "archéologique" concernant notre sujet, reflète bien les connaissances de l'époque. Les calculs basés sur la Bible reportaient en effet la Création du monde à 5277 ans avant J.-C., d'où les 5 000 ans de formation des pétrifications (stalagmites et stalactites) dans la grotte. J.-B. Maréchal a lui-même visité la grotte: il en donne un plan très vraisemblable, certainement réalisé au jugé, avec le porche et la salle d'entrée, le clocher (la "pyramide creuse") et, dans sa dissertation, il insiste tout particulièrement sur les différents types de pétrifications (fig. 8 et annexe 1).


On retrouve également dans ce texte les craintes et les superstitions attachées aux grottes par les populations. J.-B. Maréchal rassure le lecteur: "La grotte n'est gardée que par des chauves-souris ... On peut y aller en toute sécurité sans rien appréhender des bêtes venimeuses et du Diable". Dans une deuxième version, l'allusion au Diable, qu'il appelle "l'Hôte de Trophonius", est encore plus explicite. Tout ceci permet à notre auteur de montrer qu'il a des lettres et de bonnes connaissances en mythologie.


Non loin de Vesoul et toujours sur le territoire d'Échenoz-la-Méline, une singularité topographique à l'extrémité d'un vaste plateau parfaitement horizontal, a depuis fort longtemps intrigué érudits et historiens. Il s'agit d'un retranchement bien reconnaissable dominant Vesoul et les villages proches et dénommé actuellement Cita, par certains auteurs Cité, et diversement dans les actes notariés, où l'on trouve même Citar (fig. 9 et annexe 2).

Dans son remarquable ouvrage Les mémoires de la République Séquanoise ..., Louis Gollut (1592) lui-même y fait allusion en 1592, en dissertant sur le nom même de Cita: "Ces lieux [les cités des Séquanes, civitates Sequanorum] semblent assés exprès, pour montrer qu'il y havoit une ville de ce nom. Et de vray, encor pour le jour-d'huy sur ce quartier Langrois, à demie lieuë proche de Vesoul, se treuve un lieu, que l'on appelle Cita. Combien que l'on pourroit dire, que ce mot de civitas, est souvent prins pour une République entière. Omnis (dixit Coesar) civitas Helvetia, in quatuor pagus divisa est. Mais il semble que ces deux témoignages sont pour une cité, et non pour le corps d'une République".


La description la plus ancienne et la plus développée de ce lieu est due certainement à un capucin, le Père J.-M. Dunand (1719-1790), qui l'a visité en 1782. Il reconnaît entre autres (voir fig. 9 et annexe 2) qu'il y a une différence de constitution entre le retranchement lui-même et les murgers modernes que l'on observe au centre et qui sont dus à des épierrements. Il fait appel au texte de César pour y reconnaître l'œuvre des Gaulois, tant pour la construction que pour l'utilisation de ces endroits fortifiés. Il insiste sur le fait qu'il n'y a pas de tuileaux, qu'on n'a pas employé la taille de la pierre ni le ciment romain: le retranchement de Cita n'a jamais été un ouvrage romain. Le monument est plus ancien et "il est d'autant plus respectable que nous croions que depuis longtems il ne nous restoit pas le plus léger vestige de nos aieux".

[...]

à suivre

André Thévenin Haute-Saône SALSA N° 74

 



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