Les maisons aux XVIème et XVIIème siècle (3)

Publié le par mairie d'Echenoz la Méline

Un article de André Thevenin paru dans la revue trimestrielle Haute-Saône SALSA n° 72

Pour conclure

Si la recherche des lieux d'habitation de ses ancêtres peut paraître anecdotique, elle n'en présente pas moins un certain intérêt.


Elle montre bien que, sur un espace réduit, la famille forme une structure unique. Tous les membres de la branche Ferry par exemple se retrouvent vers 1550, au-dessus du village, pour y rester. Il y a là les parents, les fils mariés et leurs enfants, même une fille mariée.

On notera les Jeanneney d'Échenoz toujours bien regroupés jusqu'à la guerre de Dix Ans (cf. leurs noms encadrés, colonnes A à D). Leur habitat a donné son nom au lieu dit "le Voisinay des Jeanneney".


La famille forme donc un tout très large, mais regroupé; elle a besoin d'être fortement soudée pour faire face aux difficultés. La solidarité est de rigueur, et de pl1.lS il faut des bras pour travailler la terre et engranger les récoltes. Mais ce n'est pas une règle absolue, il y a des exceptions: les Cresley, aux nombreux surnoms de familles, sont dispersés en nombreux petits groupes sur tout le village


L'espace de proximité est important à connaître, car il permet de comprendre certains faits, parfois difficultés de voisinage, parfois complicité et solidarité.


En 1574, Jean Hugard le Jeune est le pleige et caution de Claude Thevenin dans une constitution de rente au profit de Claude Jacquinot, docteur en droit. Claude Thevenin avait des dettes, entre autres il devait régler sept quartes, soit 280 kg de froment. Les Thevenin et les Hugard sont voisins et surtout parents: la sœur de Jehan Thevenin, Jeannette Thevenin, a épousé Jehan Hugard (cf. colonne A).


En 1584, Antoine Thevenin et Jean Doisot avaient également créé ensemble une constitution de rente. L'histoire fort complexe nous apprend que le capital dù par Antoine Thevenin n'était pas encore remboursé en 1621 ! Son fils Jacques Thevenin règlera la dette de son père, en créant tout simplement! une nouvelle constitution de rente. Les Thevenin et les Doisot sont encore voisins ! (Jeandel, Thévenin, 2008) Peut-être y a-t-il quelque lien familial entre les Thevenin et les Doisot. Ce n'est pas impossible.

 

En 1631, dans un procès concernant Claude Gillot, d'Échenoz, on voit tout un petit monde d'hommes se rendre la veille de la fête de Saint-Nicolas, "pour prindrent le souppé", chez Claude Thevenin dit de Velle et Anne Piroley. Ces derniers tiennent, dans leur poele, plusieurs tables: ils sont "hostes publics". C'est là où l'on vient pour avoir des nouvelles et discuter des affaires de justice ou autres en cours.
Le fait de connaître l'emplacement, certes approximatif, de la maison de Claude Thevenin dit de Velle dans le centre du village, apporte un petit plus à l'histoire en question, qui en elle-même est savoureuse : les échevins sont soupçonnés d'avoir voulu enlever une amende à Claude Gillot contre argent comptant (ADHS 207 E suppl. 15).


Tous les aspects que l'on vient de voir sont réunis dans les figures 6, 7 et 8. On a d'un côté les listes, schématisées à l'extrême, disposées chronologiquement, de l'autre l'emprise du village avec sa forme rectangulaire tout à fait exceptionnelle, ruban de 800 mètres de long avec un dénivelé de 25 mètres.

La rivière la Méline a été certainement le moteur du peuplement avec ses huit moulins (on y ajoutera, à l'amont du village, les trois moulins des Côtets dans la reculée de Solborde, et à l'aval le moulin de Pont et celui de la Vèze (ce dernier sur le territoire de Noidans-lès-Vesoul). C'est cet aspect particulier de la topographie du village qui a permis de constituer des listes pratiquement linéaires, partant du haut du village au sud pour "descendre" vers le bas du village au nord. La segmentation en trois secteurs de clientèle suivant le four banal est un autre atout; elle permet dès le départ de localiser ses ancêtres dans un secteur donné, quitte ensuite à rechercher d'autres indices.


L'importance du secteur central du four du Milieu n'est plus à démontrer : les réunions de communauté se font "soubz le tillot proche la chapelle", à l'appel de la cloche : les archives sont conservées dans des coffres entreposés dans la chambre du four banal du Milieu; les montres d'armes se font aussi en place publique ... sans oublier la chapelle qui leur rappelle qu'il faut aller aux offices à l'église de Pont située à deux kilomètres.


Les listes sont essentielles, mais plus facilement exploitables si on dispose d'autres indices. Dans le cas de l'habitat des Thevenin, la mise en évidence d'une zone repère avec des patronymes identiques regroupés dans plusieurs listes (Richardot, Hugard et Thevenin), donc des maisons proches, a été le point de départ de la recherche et la mise en évidence d'une stabilité dans l'habitat ou au contraire d'un changement par déplacement.


Le tableau de la figure 1 peut se lire de plusieurs façons:
dans le sens de haut en bas (sens de la flèche A des figures 6, 7 et 8), on a un instantané, à un moment précis, de la population hommes d'un village sur une liste, où se devine le fond topographique en filigrane; comme la répartition des homme n'est pas faite d'une façon aléatoire, on peut en déduire qu'on a également un instantané de l'habitat, du moins de sa trame;
dans le sens de gauche à droite (sens de la flèche B des figures 6, 7 et 8), on a: l'évolution globale de la population hommes d'un village ; on peut faire de la démographie ;
l'évolution de l'habitat d'une famille, stabilité ou changement;
la généalogie très simplifiée de la même famille, mais sous une vision renouvelée sur la vie de nos ancêtres.


Ainsi s'opposent des éléments mobiles, les hommes, les familles, et des éléments fixes, les maisons, l'habitat.

Pour finir, une question est posée: est-ce que le système repéré à Échenoz a été appliqué de la même façon dans d'autres communautés ou est-il unique, dépendant étroitement de la topographie particulière du village d'Échenoz-Ia-Méline ?


Je dois à l'obligeance du docteur Pierre Pégeot - et je lui en suis très reconnaissant- de m'avoir rappelé l'existence du manuscrit de Mesmay et surtout de m'en avoir donné une reproduction photographique.

André Thévenin

 

Bibliographie :


JEANDEL (Louis) - "Pour exploiter les montres d'armes de la région de Favemey au XVIIe siècle", ln Hommes d'armes et gens de guerre du Moyen Âge au XVIIe siècle. Didactiques Histoire, Presses Universitaires de Franche-Comté, 2007, p. 69-74.


JEANDEL (Louis) et THÉVENIN (André) - "Les rentes constituées les données qu'elles peuvent apporter", Haute-Saône Salsa, n° 69, janvier-mars 2008, p. 26-34.

 

LASSUS (François dir.) - "La population de la Franche-Comté au lendemain de la guerre de Trente Ans. Recensements nominatifs de 1654, 1657, 1666. - IV - Bailliages de Gray et de Vesoul", Cahiers d'Études comtoises, 55, 1995,509 p.

 

RECH (Georges) - "Le cadastre; histoire et utilisation", Haute-Saône Salsa, n° 35, juillet-septembre 1999, p. 15-18, etn° 36, octobre-décembre 1999, p. 17-21.

 

RECH (Georges) et CHAPUIS (Catherine) - "Le cadastre a 200 ans. Extraits d'archives", Le journal de l'exposition, n° spécial, 2007, Archives départementales de la Haute-Saône, 8 p.

 

THÉVENIN (André) - "Démographie et généalogie à Échenoz-la-Méline aux XVIe et XVIIe siècles". Haute­Saône Salsa, Supplément au n° 64 (oct.-déc. 2006), p. 45-10 1.

 

 

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